Interview...

Arrivant au sommet de la colline de Schoâl, en pleines terres du Royaume de Nerwack, je ressentis comme une impression d’amitié et de grandeur. Je n’étais pas depuis longtemps sur les Terres des Déchus que cinq émissaires avaient déjà annoncé ma venue au Conseil… Cinq émissaires pour cinq grands seigneurs… Les Seigneurs Déchus sont en effet réunis en un Conseil démocratique ratifiant toute décision importante pour le Royaume de Nerwack. Chacun d’entre eux dirigeant avec plus ou moins de fermeté les différents territoires le composant…

En entrant dans le porche d’entrée de l’adresse qui m’avait été envoyée, je remarquai que quatre grands chevaux étaient attelés sous l’ombrette du mur nord. Leurs narines fumaient au froid piquant du matin et leurs rennes tombaient dans l’abreuvoir de pierres qui les devançait. A peine avais-je fait quelques enjambées dans la cour intérieure qu’un jeune écuyer me héla d’entrer à l’intérieur. Il était de taille moyenne, et sa jeunesse était tant bien que mal recouverte d’une barbe naissante. Ses habits de deux sous étaient propres et laissaient transparaître un goût certain. Il me fit parcourir un étroit couloir aux fenêtres de pierres multiples et aux arcannes bien polies. Les voûtes étaient en bonne état, ce qui laissait deviner une certaine maniaquerie… J’entrevis alors une large porte de bois qui donnait sur une petite salle tapissée d’où sortait une lumière intense de chandeliers.

Deux seigneurs m’attendaient dans la salle. L’un d’eux m’accueillit d’une main conviviale :
-« Seigneur Shatcor… Quel bon vent vous amène jusqu’à nous ? »
Il s’agissait du Seigneur Sanguinus. Seigneur des Terres de Vallez, il était connu pour son impétuosité et son entêtement à la guerre.
-« Cher ami, vous le savez, je viens vous trouver aujourd’hui, non pas en tant que Déchus, mais en tant que rapporteur de la Cour… L’on m’a demandé d’écrire un parchemin sur nos activités… Je conviens donc à ma charge… » Répondis-je.
-« Bonjour cher Shatcor !»
Cette voix était celle du seigneur LeMageNoir. Il était à la base de l’union des seigneurs Déchus et était considéré comme le chef administratif de la guilde.

-« Bonjour Seigneur LeMageNoir… Je m’en viens justement rapporter vos dires à la Cour… Avez-vous quelques temps à me consacrer ? »
-« Vous êtes là pour ça, donc je vous en prie… »
-« Bien, pourriez-vous rapidement retracer les grandes lignes de l’Histoire de votre guilde ? »
-« L’histoire de la Guilde a commencé d’une idée qui germait depuis quelques temps déjà dans mon esprit alors que je n’étais qu’un jeune seigneur. Le recrutement ciblait majoritairement les jeunes seigneurs qui, comme moi, cherchaient des alliés pour se protéger et évoluer. Le recrutement laisse encore des traces puisque le Seigneur Seraf fut l’un des tout premiers Seigneurs à commencer l’Aventure. Le destin a ensuite choisi les Seigneurs Aenarion, Shatcor, Somteo puis Gorath. La charte érigée puis envoyée au Conseil fut premièrement refusée, mais avec le travail acharné du Sieur Shatcor (*rire*), elle fut acceptée…»
-« Je partage votre rire…Beaucoup de lecteurs ne parviennent pas vraiment à cataloguer votre guilde du côté du bien ou du côté du chaos… Pourrait-on connaître votre position véritable ? »
-« A la base, nous étions plutôt du bien. Mais sans cesse proclamer la paix et la diplomatie plutôt que la guerre n'a rien d'hilarant. Nous préférons faire une bonne guerre quand l’envie nous vient plutôt que de rester cloîtrés dans nos royaumes pendant que certains s’égorgent ! Nous ne sommes donc vraiment ni de l’un ni de l’autre. »
-« Pourtant, vous ne rechignez pas à entrer en guerre contre d’autres guildes… On s’en rappelle, à peine aviez-vous été acceptés sur le monde d’Aguératon que les anciens Mangors vous défiaient. Vous avez quand même une certaine propension à la guerre… Quelles ont été les conséquences de cette première guerre ? »
-« Comme je vous le disais, quand nous pouvons étriper joyeusement nos ennemis, nous le faisons ! Mais cette guerre a eu beaucoup d'avantages pour nous. Déjà, elle a eu pour conséquence de nous initier à l’art de la guerre, ce qui est déjà bien. Elle nous a appris à exécuter des raids synchronisés, mais aussi le respect et la solidarité. Nous ne serions jamais entrés en guerre contre l’Union s’il n’y avait pas eu ce déclic ! »
-« Mais la guerre n'a-t-elle pas eu d'autres retombées... Je pense notamment au niveau diplomatique... Tiens, voici justement qu’entre le seigneur Somteo... Lui pourra certainement me dire... »

Le seigneur Somteo venait en effet de rentrer dans la pièce par une petite porte au fond de l’arrière, à demi voilée par un long tapis rouge et ocre. Il portait un long manteau gris en fourrure des plateaux de l’est, preuve de la fraicheur de la matinée. Il s’arrêta quelques instants devant la cheminée, et l’antre eut vite fait de le réchauffer. Il se frottait ardemment les mains l’une contre l’autre tout en nous scrutant du regard…

-« Bonjour cher ami » me lança-t-il.
-« Bonjour cher frère » lui rétorquais-je. « Je parlais justement de la fin de la guerre avec les Mangors… Pourriez-vous me dire ce qu’apporta cette issue au niveau diplomatique ? »
-« La diplomatie... » Le jeune Somteo marqua une pose l'air pensif… « La diplomatie, maintes fois essayée pendant cette première guerre face aux Mangors et qui me permit de lier une forte amitié avec celui qui conduit maintenant la destinée de cette noble guilde, j'ai nommé le seigneur Rochiel ! Mais il faut l'avouer tout de suite, la solution diplomatique est difficile lorsque votre interlocuteur ne veux rien entendre... Comme les sieurs Alpha et Daril (alias Oniaron) qui, par leur stupidité et leur lâcheté, ont toujours coupé court à tout dialogue, préférant se faire déchiqueter au combat... A l’heure actuelle, les Mangors sont nos alliés. »
Un petit sourire se dessina aux coins des lèvres de Somteo…
« Maintenant, je dois avouer que nos derniers adversaires sont bien plus ouverts à la discussion et malgré la force des combats, le dialogue reste ma foi courtois et ouvert ! J'en veux pour preuve les discussions formelle et informelle que j'ai pu tenir avec de grand seigneur comme Evilkhan ! »
-« Justement, en parlant de ces derniers adversaires, pourriez-vous nous dire ce qui vous a poussé à entrer en guerre, avec vos amis alliés, contre trois guildes à la fois, rendant ainsi la problématique des relations inter-guildes très ardue…. Et nous éclaircir sur cet évènement nébuleux qui a fait disparaître momentanément votre guilde… ? »
-« Deux longues questions mon ami... Tout d'abord cette guerre...
La base de tout est un accord intervenu entre le Conseil des Anciens, la Compagnie Blache et moi-même suite à des informations parvenues à Ayrwen, chef de la Compagnie et allié dont, aujourd'hui, je commence à me méfier... Les informations étaient-elles bonnes... ?
Toujours est-il qu'un accord a été passé et que nous avons participé à un raid pour protéger le Conseil des Anciens de la montée des Velsharoon principalement !
Puis, de fil en aiguille, les Velsharoon ont été rejoints par la Fortuna, dont nous connaissons tous la haine qu'ils nous portent… »

Somteo marqua une pause en jetant un regard désapprobateur vers le seigneur LeMageNoir…

-« N'est ce pas mon cher... ! La diplomatie et la Fougue ne font pas bon ménage… »
« Pour ta seconde question mon ami... En effet des évènements pour le moins bizarres ont déjà, par deux fois, amené la suppression de notre guilde...
La première fois sans mystère aucun, notre guilde fut anéantie comme beaucoup d'autres par qui vous savez tous...
La seconde fois fut beaucoup plus difficile à comprendre... En effet, mon royaume fut placé sous la protection du Doux et cela sans mon accord... Ce gel provoqua la chute des Déchus puisqu'à ce moment, j'en étais le seul et unique pilier avec ma belle armée, qui fut détruite ensuite lors d’un combat d'anthologie avec mes ennemis préférés !
Le coupable de cette lâcheté n'est pas encore connu mais j'ai moi aussi une petite idée de sa personnalité mais comme tout le monde le sait, la présomption d'innocence fait foi... »

Alors que les deux hommes tergiversaient sur ces derniers évènements, les Seigneurs Séraf et Gorath entrèrent tout deux, couverts d’une fine pellicule blanche… Le sieur Somteo et moi-même écartâmes alors les rideaux des fenêtres et découvrîmes aux travers de celles-ci la neige tomber en flocons éparses…

-« Ouh là là … » fit le Seigneur Somteo, « Et moi qui doit retourner dans les hauteurs de mon royaume… Je sens que je vais anticiper l’épais manteau neigeux… J’en suis navré, mais je me dois de vous laisser avec mes alliés… »
-« Je vous en prie, faites. Je vous souhaite bon retour et je vous remercie déjà de la part de tous nos lecteurs pour le temps consacré à ces précisions. » Saluant mon ami Somteo, je me dirigeais alors vers les deux derniers protagonistes Déchus… « Chers seigneurs, je parlais justement de diplomatie et vous voilà… Pouvons nous nous attendre à plus d’implications des Déchus dans les guerres actuelles et dans celles à venir ? »
-« Bonjour sieur Shatcor… » me répondit le Seigneur Séraf. « Moi, je suis le noyau encore réfractaire du groupe. En bref, je suis le pacifiste du groupe. Cependant la diplomatie perd de plus en plus de valeur dans notre guilde, mais bon ce n'est pas un mal… On a pu faire des alliances qui ont plus ou moins bien fonctionné. Au moins, on a appris certaines choses des guerres menées ; que l’on n’est jamais mieux servi que par soi même par exemple. Mais bon, on a lié de bons liens avec certaines guildes, ce qui pourrait servir dans quelque temps. Cependant, nos ambitions ne nous laissent pas le choix, il faut se battre pour essayer de retrouver notre prestige. »
-« Je vois, fort bien… Mais les Seigneurs d’Aguératon connaissent-ils vos ambitions ? Quels sont vos objectifs sur ces terres… » Et me tournant vers le seul Sanguinus qui semblait rester en retrait, blotti entre l’antre du feu et les corbeilles de fruits secs rapportés des dernières cueillettes d’automne, je me permis de terminer mon interview par sa réaction...
-"Cher ami, vous qui êtes ambitieux, pouvez-vous nous dire quels sont les objectifs des Déchus, que comptent-ils faire sur ces terres… ? »
-« C'est une bien grande question que vous me poser là... Comme tout le monde le sait, l'objectif premier de ma guilde est de faire revivre le royaume de Nerwack, le ramener à sa place, soit parmi les grands de ce monde. Pour cela, nous devons nous battre contre les occupants des terres de Nerwack, mais aussi défendre ces terres avec honneur face aux assauts répétés des usurpateurs, qu'ils soient loyaux ou de vils charognes. Les guerres passées nous ont fait ouvrir les yeux sur l'immonde réalité du monde et nous a montré que certains seigneurs sont vraiment destinés à être détruits par les armées du doux ou par les nôtres.
Les Seigneurs Déchus veulent ainsi devenir une guilde respectée et crainte sur les terres d'Agueraton, mais surtout une guilde respectant certaine, valeur, bafouées par bon nombre de seigneurs. Comme par exemple l'honneur et l'honnêteté, qui sont des valeurs importantes à mes yeux et dont j'essaye d'être un messager aux gueux de ce royaume… Je pense que pas mal de Déchus partagent mon point de vue. »
-« Et bien, il est temps pour moi d’aller rapporter tous ces dires à la Cour afin que nos scribes fassent parvenir ces édits à tous les seigneurs et paysans du monde d’Aguératon…. Je vous souhaite à tous bonne journée...»

Laissant mes amis préparer le festin de midi, je me dirigeais vers la cour intérieur afin d’y sceller mon cheval et galoper vers les presses du midi à travers les épais flocons…